L’accès aux données sera encadré et harmoniser
Pour tirer profit de cet avantage, l’Europe doit répondre à plusieurs défis. Le premier : créer un « marché unique de ces données », ce qu’elle n’a pas fait en matière de données personnelles, alors que la Chine ou les EtatsUnis bénéficiaient naturellement d’un marché bien plus important.
Pour cela, Bruxelles devra harmoniser et encadrer l’accès aux informations, partage des données, quand cela est possible bien entendu. Par exemple, dans le secteur automobile, les constructeurs peuvent mettre en commun des informations sur l’usure de certaines pièces.
Deuxième condition pour ne pas rater le tournant de l’intelligence artificielle : il faut développer des infrastructures » – des miniserveurs ultra puissants aux pieds des antennes 5G à même de traiter ces data. En sachant qu’aujourd’hui personne ne s’est encore imposé sur ce savoir faire, mais qu’il ne fait aucun doute que les EtatsUnis ou la Chine cherchent à le maîtriser au plus vite. C’est là l’un des volets de la stratégie de la Commission européenne, qui souhaite susciter un investissement de quelques milliards d’euros (2 ou 3) des Etats membres et de l’industrie pour travailler à ce projet.
Il faut aussi, souligne Margrethe Vestager, la vice présidente de la Commission européenne, chargée du numérique, mettre en place un plan pour former du personnel qualifié. Voilà pour l’écosystème sur lequel l’Europe devra essayer de se faire un nom en matière d’IA. Pour le reste, Bruxelles veut s’assurer que l’intelligence artificielle, à la mode européenne, « respectera nos valeurs », comme le dit la commissaire danoise.
Dans cette logique, Bruxelles prévoit un traitement spécifique pour les données (comme celles qui concernent la santé des citoyens) ou les applications (sites de recrutement par exemple) qu’elle considère être « à risque ».
Il faudra alors que des organismes de certification aient vérifié que les algorithmes ne sont pas biaisés, qu’ils ne posent pas de problème éthique ou encore que les données utilisées sont fiables et assez diversifiées. Dans les autres cas, un système de label volontaire – qui serait l’équivalent pour l’intelligence artificielle du marquage « CE », garant pour les biens manufacturés de certaines normes – pourrait être accordé par ces mêmes organismes aux entreprises qui respectent ces mêmes critères.
Sur la question délicate de la reconnaissance faciale, Bruxelles a finalement décidé de prendre quelques mois supplémentaires pour réfléchir, même si elle a exclu à ce stade de l’interdire. La pratique est déjà utilisée, dans les aéroports par exemple.
Pour autant, son développement ne va pas sans poser de questions. « Ce que j’ai vu à Hong kong m’a véritablement effrayée », commente Margrethe Vestager, en évoquant les manifestations massives contre Pékin, au cours desquelles « les gens ont reçu un message sur leur smartphone : “Nous savons que vous êtes là, vous devriez peut être rentrer chez vous”. Ce n’est pas vraiment un soutien à la liberté de se réunir ou de s’exprimer. »