La nouvelle est passée presque inaperçue. Le 25 juillet, la société californienne 23andMe et la Big Pharma britannique GSK annonçaient avoir « signé un accord pour exploiter les données génétiques [des clients de 23andMe] afin de développer de nouveaux médicaments ». Montant du deal : 300 millions de dollars (près de 260 millions d’euros).
23andMe vend sur Internet des tests génomiques.
Ces bases de données ont déjà alimenté nombre d’études, y compris celles menées par des universités de renom. Proche de Google, cette entreprise est connue pour les polémiques récurrentes qu’elle suscite d’ordre biomédical, sociétal, éthique et juridique. Ces tests sur Internet, sans prescription médicale, sont interdits en France. Mais le marché en ligne ne connaît pas de frontières… 23andMe indique avoir vendu ses tests à plus de 5 millions de personnes à travers le monde, qui veulent connaître tantôt les origines génétiques de leurs ancêtres, tantôt leurs risques propres de développer certaines maladies. La procédure est simple. Le client crache dans un petit tube qu’il expédie à la firme. Après extraction de l’ADN, une micropuce caractérise les séquences d’ADN de ce client, qui varient d’une personne à une autre. Variations qui sont corrélées à certains traits : prédisposition à des maladies, caractères morphologiques ou ethniques. Au bout de 6 à 8 semaines, le résultat est envoyé par mail.
Cette société peut-elle «revendre» en toute conscience les données génomiques et de santé acquises « sur le dos» de ses clients, qui ont déboursé 69 à 199 dollars (environ 60 à 170 euros) ?
Sur le plan juridique, rien à redire. La société a verrouillé les choses : 23andMe demande à chacun de ses clients de cocher une case, sur Internet, s’il consent à ce que ses données, rendues anonymes, servent à ces recherches. «Plus de 80 % des clients de 23andMe ont donné leur accord », précise 23andMe.
Des données personnelles
Mais deux craintes se font jour. La première porte sur les garanties d’anonymisation de ces données. C’est un réel souci. Les cartes du génome entier sont propres à chaque individu.
Second point : « Toutes les personnes qui ont coché la case ont-elles vraiment saisi les enjeux de ces recherches ?.. Qui comprend qu’il s’agit de recherches conduites au profit d’un labo privé ?
Interrogé par le magazine Time le 26 juillet, le professeur Arthur Caplan, qui dirige la division d’éthique médicale à l’université de New York, estime qu’il n’est pas possible de verser de l’argent à chacun d’eux, mais il faut trouver des moyens de prévoir pour eux un retour sur les bénéfices réalisés». De son côté, 23andMe a fait « signer » à ses clients une clause signifiant qu’ils ne pourront pas être dédommagés financièrement.