Le secret bancaire belge n’existera bientôt plus.

Le secret bancaire belge n’existera bientôt plus.

L’idée d’un Big Brother, d’un accès quasi libre à toutes les données des contribuables, était déjà dans l’air. L’idée a fait son chemin. Et c’était attendu, puisque cela figure en bonne place dans la déclaration gouvernementale. Qu’y lit-on en effet? “En vue d’un examen plus approfondi des dossiers, pour lesquels un ou plusieurs indices de fraude fiscale, ou des signes et indices sont constatés dans le cadre du datamining, le PCC peut être interrogé. Cette demande ne peut avoir lieu qu’avec l’approbation de deux conseillers généraux. En vue de l’introduction de ce datamining d’ici septembre 2021, l’administration ainsi que l’autorité de protection des données réaliseront une étude.”

Recherche en masse : le MR n’en veut pas

Un vent favorable nous a amené cette étude de l’administration fiscale présentée au ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V). Et on y aborde donc largement ce Point de contact central (PCC), qui est cette banque de données logée au sein de la Banque nationale (BNB) contenant les données bancaires des Belges, avec leurs numéros de comptes, les noms des titulaires et depuis peu les soldes bancaires.

N’y allons pas par quatre chemins : l’étude de 48 pages du SPF Finances relaie 12 projets des différents départements du SPF Finances qui vont tous dans le même sens: utiliser (de manière anonymisée) cette banque de données comme un “simple” outil de recherche d’indices de fraude et de vérifications en tous genres. Et cette nouvelle manière de faire a été avalisée par un conseil des ministres le 1er avril. “On a été le plus loin qu’on pouvait en matière de lutte contre la fraude fiscale, mais pour nous, explique une source libérale, cette note va trop loin. Il faut que la vie privée soit respectée, et on attend de voir les textes législatifs pour voir ce qu’on entend précisément par datamining. Pour nous, ce projet est loin d’être acquis”, poursuit cette source du MR. Qui poursuit : “On a déjà fait beaucoup en matière de lutte contre la fraude fiscale durant cette législature ; c’est maintenant au tour de la lutte contre la fraude sociale.”

Plus facile à l’étranger

Aujourd’hui, et cela semble relever de l’évidence, il y a un parcours à respecter par le fisc pour accéder à cette banque de données. Il faut qu’il y ait des indices de fraude, il faut préalablement demander les informations souhaitées au contribuable, ce qui sous-entend que le fisc sait ce qu’il cherche, etc.. Ce qu’on appelle une procédure par paliers.

Point de tout cela dans le projet remis au ministre. Regrettant qu’il est plus facile en pratique de traiter les données relatives aux comptes bancaires étrangers obtenues par l’échange auto-matique d’informations que de traiter les mêmes données relatives aux comptes nationaux recueillies dans le cadre du PCC”, l’administration recommande de changer le statut du PCC. Elle s’appuie notamment sur un avis du Fonds monétaire international FMI remis août 2021 qui estimait que le succès des administrations fiscales dans la lutte contre l’économie souterraine et la fraude passe par “des mécanismes efficaces pour la collecte, la transmission et le traitement systématiques et périodiques d’informations ‘en vrac’ avec d’autres agences gouvernementales et parties prenantes, en particulier pour coordonner les efforts du programme”. Ce qu’on appelle donc le datamining, soit le croisement d’informations émanant des banques de données de l’administration.

Soutien du FMI

“Le SPF Finances n’a un accès libre qu’aux informations bancaires pour le compte d’autres juridictions et non pour le compte du gouvernement belge, et elle ne peut faire un usage domestique des informations échangées avec d’autres juridictions. Il en résulte une situation inhabituelle dans laquelle l’administration fiscale belge dispose de plus d’informations sur les contribuables belges ayant des comptes à l’étranger que sur les titulaires de comptes nationaux. Des réformes sont nécessaires dans ce domaine”, estimait ainsi le FMI.

C’est exactement ce que propose l’administration fiscale belge : mettre fin définitivement au secret bancaire, dont on signalera qu’il n’existe déjà plus en matière de recouvrement ou de droits de succession. Dans la note, on apprend même qu’il existe déjà un avant-projet de loi à un stade avancé.

Les projets développés sont pertinents et intéressants et nécessitent les modifications légales proposées pour créer le flux de données en masse vers la sphère analytique, flux de données qui permettra les analyses précisant et affinant les sélections.

Un article du Code des impôts à changer

De fait, l’étude des Finances relève que “la consultation du PCC dans le cadre du datamining n’est pas possible puisqu’elle impliquerait d’une part que la procédure par paliers ne soit pas respectée et d’autre part que les éléments apparus suite à l’application du datamining ne constituent pas un indice de fraude suffisant. Par conséquent, une modification législative s’impose selon nous avant de pouvoir effectuer une consultation du PCC dans le cadre du datamining. En ce qui concerne l’impossibilité de procéder à une consultation ‘massive’ du PCC dans le cadre du datamining, nous renvoyons également à l’opinion de l’ISI que nous partageons”, explique l’Administration générale de la fiscalité (AG Fisc).

Elle recommande ainsi de changer l’article 322 du Code des impôts sur les revenus (CIR 92). Concrètement, le PCC deviendrait un outil de recherche à part entière pour réaliser des analyses de risques en amont, mais “les agents du fisc devront interroger les contribuables sélectionnés pour obtenir les données (pas seulement bancaires) à fournir nécessaires à la vérification. En cas de non-fourniture des données bancaires par ces contribuables, les agents de contrôle interrogeront le PCC”, explique le cadre du SPF Finances.

Si l’institution tente de mettre les formes, et de respecter la vie privée, du côté des experts, “cela s’apparenterait ni plus ni moins à une forme de dictature du fisc”. “Déjà que plusieurs arrêts faisant jurisprudence, en matière pénale, pas fiscale, ont donné raison au fisc d’avoir collecté des informations de manière irrégulière au vu du but à atteindre (la jurisprudence Antigone). En clair, l’infraction commise par les autorités est bien plus faible que l’infraction qu’on poursuit. Mais là, cette nouvelle procédure irait trop loin”.

Ce que l’on peut consulter via la PCC

après le SPF Finances, contacté, le nombre de consultations du Point de contact central (PCC) ne cesse déjà de croître: 51911 fois en 2021, contre 50582 en 2020, 41280 en 2019 et 35 323 en 2018. Mais qu’y trouve-t-on ?

1. Les numéros des comptes bancaires ou de paiement détenus par les personnes physiques ou morales, belges ou étrangères, auprès d’institutions financières belges ; l’existence d’une procuration à un ou plusieurs mandataires sur ces comptes bancaires ou de paiement et l’identité des mandataires ;

2. Les numéros des comptes de toute nature dont des contribuables soumis à l’impôt des personnes physiques (IPP) belges sont titulaires auprès d’institutions financières étrangères, pour autant que ces personnes aient déclaré lesdits comptes étrangers auprès de la Banque nationale de Belgique (BNB) ;

3. Des informations relatives à l’existence de transactions financières effectuées par une institution financière belge et impliquant des espèces qui ont été versées ou retirées par une personne physique ou morale, belge ou étrangère, ou pour son compte ;

4. Des informations relatives à l’existence de certains types de contrats conclus entre un contribuable personne physique ou morale, belge ou étranger, et une institution financière belge ;

5. Depuis 2022, le solde des comptes bancaires et de paiement et le montant globalisé des contrats financiers.

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